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Gilles Bœuf et Marc-André Selosse, biologistes : « L’écologie n’est pas punitive, elle suggère des solutions pour produire sans être puni »

L’écologie, souvent confondue avec un mouvement politique, est avant tout la science qui étudie les liens unissant les organismes vivants à leur milieu. La punition, c’est ce qui nous abîme quand nous agissons mal : l’écologie scientifique montre ce qui nous punit aujourd’hui.
Nos engrais phosphatés sont trop riches en cadmium, trois fois supérieurs aux recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et ce métal lourd toxique contamine nos aliments. La moitié des Français sont surcontaminés, avec des conséquences rénales, hépatiques, osseuses (un tiers des problèmes d’ostéoporose en France viendraient de là) et des cancers (dont celui du pancréas, qui progresse de 3 % par an). Les pesticides polluent les aliments et les eaux : meilleure est la détection des résidus, moins il reste de régions « épargnées ». On les retrouve aussi dans l’air qu’on commence à tester, même en ville : après les Pays de la Loire et l’Hérault, La Rochelle sonne l’alarme.
Car les pesticides nuisent : la santé des agriculteurs en est l’indicateur évident. Ils présentent 54 % de lymphomes plasmocytaires et 20 % de myélomes multiples de plus que la moyenne française, selon la cohorte Agrican ; à 55 ans, c’est 13 % de maladie de Parkinson en plus.
Mais ne blâmons pas seulement l’agriculture. Les polluants éternels (ou PFAS, des composés fluorés) s’échappent de nos ustensiles de cuisine, de nos textiles et des usines productrices. Cancérigènes, perturbateurs hormonaux, toxiques pour divers organes, leur coût annuel en santé publique atteindrait de 52 à 83 milliards d’euros en Europe. Nos plastiques libèrent des perturbateurs endocriniens non moins nocifs.
Selon une étude de la Commission européenne, dévoilée par Le Monde en juillet 2023, interdire les substances chimiques les plus dangereuses économiserait entre 11 et 31 milliards d’euros de santé publique par an en Europe – pour un manque à gagner, côté industriel, dix fois moindre.
Vies mutilées, coûts sanitaires : notre gestion de l’environnement nous punit. Notre santé a des fondements écologiques : comment croire que les atteintes répétées à notre environnement ne génèrent pas de désordres dans notre santé et notre bonheur ? Médecins et vétérinaires commencent à penser le concept de « santé unique », qui relie la santé humaine à celles des animaux, des plantes, des sols, de l’air… bref aux écosystèmes dont nous dépendons totalement. Un collectif de médecins a dénoncé, en mars, la suspension du plan national Ecophyto limitant l’usage des pesticides.
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